En ce mois des fiertés, je souhaite partager une conviction : la diversité et l’inclusion sont des valeurs essentielles dans la constitution d’équipes performantes, créatives et motivées. Il ne suffit pas d’être un leader charismatique, il faut aussi savoir bien s’entourer.
Raison #1 : le principe de non-discrimination
Article L1132-1
Modifié par LOI n°2017-256 du 28 février 2017 – art. 70
Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français.
Par ailleurs, suite à la loi Egalité et Citoyenneté votée en juillet 2016, les personnes en charge du recrutement doivent se former à la non-discrimination au travail tous les 5 ans. Cette obligation qui s’applique également aux entreprises de recrutement se trouve dans l’article 214 de la loi. Elle est également inscrite dans le Code du Travail. Les entreprises concernées sont donc tenues de prévoir ce type d’actions dans leurs plans de formation.
Raison #2 : la diversité pour éviter la fabrication de produits racistes
Quel est le point commun entre H&M, Mango et Zara, au-delà d’être des marques de vêtements ? Elles se sont toutes les trois « illustrées » sur des « bad buzz » autour de produits racistes et antisémites. Elles les vendent dans leurs magasins sans que personne à aucun moment ne se rende compte de l’horreur qui était produite.
Zara
En 2014, la chaîne Zara a sorti un T-shirt pour enfant à rayures horizontales bleues et blanches sur lequel était apposée une étoile de shérif jaune… sauf que l’étoile ressemblait plus à l’étoile de David imposée aux juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Cela avait immédiatement provoqué un déchaînement de protestations sur internet.
Cette erreur n’est pas la première. En 2012, Zara avait déjà choqué en sortant sur un sac à main en tissu imprimé notamment d’une petite croix gammée. La direction avait assuré alors qu’il s’agissait d’une svastika indienne et n’avait aucun rapport avec les SS.
H&M
Son concurrent H& M n’est pas en reste : en mars 2014, il a également dû retirer rapidement de ses boutiques un tee shirt à connotation antisémite, sur lequel on voyait une tête de mort sur une étoile de David. Ce qui avait immédiatement provoqué la colère de bon nombre de clients et l’indignation de l’association britannique des étudiants juifs.
En 2017, il s’est fait également remarqué pour une publicité avec une photo montrait un enfant noir portant un sweat-shirt avec l’inscription “Coolest monkey in the jungle”.
Mango
Mango s’était aussi « illustré » en 2013 en commercialisant une ligne de bijoux « de style esclaves ». La marque avait plaidé une erreur de traduction malencontreuse. Cette explication n’était pas acceptable pour deux organisations antiracistes françaises, SOS racisme et le Conseil représentatif des associations noires (CRAN). Elles s’étaient saisi de l’affaire et avaient mobilisé les internautes, qui avaient massivement signé une pétition baptisée « l’esclavage n’est pas fashion ». Ils ont finalement retiré les bijoux du marché français.
Une équipe avec des valeurs fortes de diversité et d’inclusion n’auraient probablement pas laissé passer ces horreurs. Cela nécessite une diversité à tous les étages de l’organisation et la liberté de s’exprimer sur ces sujet.
Diversity Manager
A l’inverse, nommer un.e « Directeur.rice Diversité » semble une une fause bonne idée servant juste à se donner une image de « diversité et d’inclusion ». C’est le choix de H&M qui a nommé Annie Wu à ce poste suite à la polémique sur sa publicité raciste.
Raison #3 : la diversité pour éviter les biais d’algorithme
Dans un article publié en avril 2017 par la revue Science, Joanna Bryson, Aylin Caliskan et Arvind Narayanan, des chercheurs des universités de Princeton (New Jersey) et de Bath (Royaume-Uni), montrent comment une technologie de machine learning (apprentissage machine) reproduit les biais humains, notamment le sexisme et le racisme.
Reconnaissance des visages
De même, Joy Buolamwini, doctorante au MIT, travaillait avec des logiciels de reconnaissances faciale. Elle a remarqué un problème: le logiciel ne reconnaissait pas son visage. Ceux qui avaient codé l’algorithme ne lui avait pas appris à identifier une grande variété de couleurs de peau et de structures faciales. En portant un masque blanc, elle était reconnue immédiatement…
La raison principale est liée aux jeux de données utilisés pour entraîner les algorithmes de machine learning. Ils n’étaient pas suffisamment diversifiés.
On retrouve cette problématique avec les bots. Le champ lexical des textes utilisés pour les entraîner reproduit les stéréotypes. L’un des exemples le plus connus est sans doute Tay, une IA de Microsoft lancée en 2016, censée incarner une adolescente sur Twitter. En quelques heures, le programme, apprenant de ses échanges avec des humains, s’est mis à tenir des propos racistes et négationnistes, avant d’être suspendu par Microsoft en catastrophe.
Pour lutter contre ses biais, Joy Buolamwini a lancé l’ « Algorithmic Justice Leage » et l’initiative #CodedGaze pour sensibiliser la communauté tech sur le sujet autour de trois principes #InclusiveCoding :
- QUI code est important : développons la diversité dans nos équipes,
- COMMENT on code est important : assurons-nous de prendre en compte la diversité, notamment dans nos jeux de données,
- POURQUOI on code est important : nous avons l’opportunité d’apporté plus d’égalité à travers les produits que nous créons.
Apple & HealthKit
En 2014 l’app Healthkit est sorti sans prendre en compte le cycle menstruel féminin. La richesse de mesure de l’app Santé est épatante. Elle mesure tout, du volume expiratoire forcé au sélénium, en passant par la pression artérielle et l’indice de perfusion périphérique. Mais elle oublie un paramètre qui touche la moitié de la population mondiale… Apple a fait appel à de nombreux intervenants pour imaginer l’application Santé et la plateforme HealthKit — y compris des médecins. Le cycle menstruel a donc mystérieusement échappé à la vigilance des ingénieurs de la Pomme, qui sont majoritairement… des hommes blancs. Peut-être que les trois règles ci-dessus auraient permis d’éviter cette erreur.
Raison #4 : la diversité pour appréhender la complexité
Les équipes diversifiées sont mieux à même de trouver des solutions ingénieuses que les groupes de personnes – même brillantes – qui pensent de la même manière. Par le passé, lorsque les entreprises rencontraient un problème sur leur marché, celui-ci était en général relativement simple à résoudre. La solution consistait à fabriquer de meilleurs produits ou d’autres produits, de manière plus efficace. Ce n’est plus aussi simple aujourd’hui. Les problèmes sont désormais bien plus complexes et, dans certaines situations, ils restent même à définir.
Pour innover et se développer, les entreprises doivent favoriser à tout prix la diversité – de pensée, d’expérience et d’éducation. « Le progrès et l’innovation pourraient moins dépendre de personnes brillantes au QI élevé et travaillant isolément que d’équipes diversifiées œuvrant de concert et capitalisant sur leurs individualités », affirme en effet Scott Page dans son livre « Diversity in Complex Adaptive Systems, Primers in Complex Systems ».
Les groupes diversifiés peuvent surmonter un manque d’expérience. Ils peuvent surpasser des équipes ayant un mode de pensée unique et possédant davantage de compétences. Les équipes homogènes sont plus susceptibles de produire des idées similaires nées de points de vue et d’interprétations identiques. Elles abordent un problème à partir d’un seul angle. Les équipes diversifiées s’attaquent aux problèmes dans des directions variées. Elles ont plus de chances d’aboutir à une découverte originale ou inattendue.
Raison #5 : facteur de croissance
La Harvard Business Review a produit un rapport en 2015 intitulé « Diversity Matters » mené par McKinsey auprès de 366 entreprises américaines, canadiennes, anglaises et d’Amérique Latine.
Ce rapport a démontré que par rapport à la moyenne de leur secteur d’activité, les entreprises avec :
- une grande diversité culturelle et ethnique ont 35% plus de chances d’avoir des résultats supérieurs
- un parité favorisée ont 15% plus de chances d’avoir des résultats financiers supérieurs,
- Au Royaume-Uni, une plus grande diversité des genres au sein de l’équipe dirigeante correspondait au meilleur rendement. Pour chaque augmentation de 10% de la mixité, l’EBIT a augmenté de 3,5%.
- une absence de politique de diversité culturelle et parité sont visiblement en retard au niveau de leurs résultats.
La véritable valeur ajoutée des équipes multiculturelles réside dans la rencontre des différentes cultures . Elle permet d’aborder le même problème sous différents angles. Ainsi, elle est en général source de richesses pour l’entreprise, à la condition d’être à la fois bien constituée et bien managée.
En conclusion
Saluons l’initiative de Mounir Mahjoubi, secrétaire d’Etat chargé du Numérique, pour le lancement l’an passée de la « French Tech Diversité ». Le programme French Tech Diversité vise à promouvoir la diversité sociale dans l’écosystème startups français. Il vise à détecter, accompagner et soutenir les meilleurs projets de startups portés par des entrepreneurs des quartiers défavorisés, par des étudiants boursiers, etc.
Et j’aimerais cité une startup MerciCookie pour qui ce sujet n’est pas juste une déclaration d’intentions. Il est clairement exprimé dans leurs valeurs, comme on peut le voir sur leur site et dans l’article “Nous avons failli tomber dans le cookie macho”.
Et vous, que pouvez-vous faire pour favoriser la diversité et l’inclusion dans vos équipes ?
Pour poursuivre sur le même sujet :
- L’intelligence artificielle reproduit aussi le sexisme et le racisme des humains, Le Monde, Avril 2017
- Mon combat contre les algorithmes biaisés, Joy Buolamwini, Conférence Tedx, Novembre 2016
- La diversité au cœur des équipes : quels enjeux ? quelles méthodes de management ? quelle place pour le management intermédiaire ?, Sabrina Semache, Revue Management & Avenir, Avril 2006